Je ne cesse de penser à elle ces temps-ci. Les rires qui montent de mes souvenirs éclatent en clameur dans la pièce, les fantômes du passé viennent vasciller de leur danse empreinte de nostalgie sous mes yeux, et le goût de ce qui ne sera plus qui envahit ma bouche de cette saveur qui lui est propre, quelquepart entre le sucré et l'amer. Et je la vois. Elle n'a pas 14 ans. Le menton au creux de la main, s'enivrant de l'odeur de l'orage qui gronde encore au loin, elle rêve. Elle rêve sa vie.

Elle ne réalise pas vraiment. Elle quitte son quotidien par la pensée, par les rêveries, elle s'invente des mondes ou tout est beau, elle les décrit sous sa plume. Elle attends et espère. Elle a le coeur serré. Des jours meilleurs viendront, elle le sait, elle n'en doute pas. Ce poids qu'elle sent au fond de son ventre, elle ne le réalise pas vraiment. Mais un peu de noirceur est déjà là.

Un jour, elle partira. Elle s'affranchira de ce quotidien qui lui fait mal. Et pour le moment, elle regarde le ciel qui se meurt dans les lueurs rouges vespérales. Elle attend. Son coeur bat aux rythmes de ses rires et de ses larmes. Elle est déjà loin. Pour ne plus affronter sa vie, elle s'en détache jusqu'à devenir spectatrice de sa propre existence.

Je pense souvent à elle. Je ne distingue pas son visage pourtant. Je vois par ses yeux. Je ne veux pas la deçevoir. Elle. L'adolescente rêveuse de mes 14 ans. Son souvenir se trouble doucement et elle disparait, fragile, comme les rides scientillantes sur l'eau. Non, je ne la décevrai pas.