Il est 16h30 ce vendredi. Je marche droit devant moi. Le froid me saisit tandis que la lumière rasante du soir jette des ombres surréalistes sur le Louvre. La sensation qui m'étreint est si étrange que je me laisse aller au frisson de l'espoir. Les images de moi dans ce même endroit à différents moments et à différentes saisons se superposent. Je pourrais facilement m'allonger là et m'évanouir dans la poussière et dans la pierre.

Une touriste blonde vient vers moi et me tend son appareil avec un grand sourire en désignant le Caroussel. Elle a de grands yeux bleus. J'imagine alors que cette photo finira dans un album au milieu de Tours Eiffel et de Sacré-Coeur-Montmarte-Amélie-Poulain. Je cadre. Je sais déjà que le cliché ne rendra pas la lumière surnaturelle de ce soir-là. Je presse le bouton. Et franchement pourquoi vouloir toujours faire entrer toutes les choses dans des cadres ? Pourquoi vouloir tout délimiter alors qu'il suffit d'être là et de savourer le moment dans son ensemble ? Les ombres s'agrandissent démesurément dans la clarté mordorée des allées des Tuileries et je me sens bien.

Dans mon coeur, je conserve les instants précieux de ce séjour... Des rues, des regards, des secondes décalées, des fous rires, des mots, une belle rencontre... Ces moments-là me sont chers...

Au retour m'attend un mail emprunt de tristesse qui tombe comme un couperet. Cette amie et ce bébé qui ne naîtra jamais. La douleur palpable et la déchirure froide que le temps n'apaisera pas. Petit homme, tu grandiras avec pour seul compagnon le fantôme de cette soeur qui n'ouvrira jamais les yeux. Je me sens impuissante devant mon écran, les larmes en dedans. Les mots seront illusoires, ils ne savent pas guérir ces plaies-là.